lundi 30 juin 2014

Balzac, Le médeccin de campagne, Le curé de village

(Publié le 6 Mai 2008)
Balzac, Le médecin de campagne, 1833. (Flammarion poche , 248p.)
Le commandant Genestas se rend dans le Dauphiné pour rencontrer le docteur Benassis dont on lui a vanté les qualités. Il l'accompagne dans sa tournée, et le médecin, également maire de la commune, lui explique comment il a réussi à développer une vie économique prospère.
Balzac, Le curé de village, 1845. (Flammarion poche, 255p.)
Véronique Sauviat, fille unique d'un ferrailleur, et épouse du riche banquier Graslin, est une femme respectée qui règne sur la ville de Limoges. Son salon est fréquenté par M. de Grandville, Avocat général lors du procès de Tasheron, qui est accusé puis condamné pour meurtre. Après la mort de Graslin, Véronique se retire à Montégnac, le village de Tasheron. Sur les conseils de l'abbé Bonnet, elle se consacre au développement économique de la commune.

Le curé étant le "pendant" du Médecin, ces deux scènes de la vie de campagne présentent des personnages au parcours similaire. Benassis et Véronique commettent une faute initiale et trouvent le salut dans le repentir et la dévotion jusqu'à l'abnégation, l'épuisement physique, pour la réussite de leurs projets.
Ces deux romans offrent un regard optimiste sur la nature humaine, mais ils ont une vocation morale, revendiquée par Balzac.
La préface du Médecin précise même que ce roman porte les ambitions politiques de Balzac, l'illustration d'un "programme". Il transpose tout un système politique et économique à l'échelle d'une petite communauté. Benassis/Balzac, partisan de la philanthropie et du paternalisme, y expose ses idées catholique et bonapartiste. À ce titre, la narration, très linéaire, a un caractère moins romanesque, mais le propos reste captivant, en particulier si l'on s'intéresse à l'histoire de cette période et à l'économie politique. La description de Benassis des trois âges commerciaux est intéressante, car si le contexte change, des structures et certaines idées perdurent.
En revanche, l'histoire de Benassis, racontée à la fin du roman, est très "balzacienne". Benassis, jeune étudiant en médecine, connaît tous les excès de la vie parisienne. Des années après, ces fautes passées l'obligent à renoncer à la femme qu'il aime. Extraits : "Nous sommes habitués à juger les autres d'après nous, et si nous les absolvons complaisamment de nos défauts, nous les condamnons sévèrement de ne pas avoir nos qualités".
"Quoique l'amour vrai soit toujours le même, il doit emprunter des formes à nos idées, et se trouver ainsi constamment semblable et dissemblable à lui-même en chaque être de qui la passion devient une oeuvre unique où s'expriment ses sympathies. Aussi le philosophe, le poète, savent-ils seuls cette définition de l'amour devenue vulgaire : un égoïsme à deux. Nous nous aimons nous-même en l'autre."

Le Curé de village, se rapproche davantage d'autres romans de la Comédie humaine. Véronique, une image de la femme mal mariée, s'éprend d'un homme qui n'appartient pas au même rang social. Ce personnage est très proche de celui d'Eugénie Grandet, mais sa nature romanesque est très influencée par la lecture, notamment par "Paul et Virginie". "Elle fut amenée par la douce et noble figure de l'auteur vers le culte de l'idéal, cette fatale religion humaine !" Elle lit Walter Scott, Goethe, Lord Byron ... "Toutes les livres lui peignaient l'amour, elle cherchait une application à ses lecture, et n'apercevait de passion nulle part." Ces thèmes sont encore très contemporains, semble-t-il...
Le Curé de village, roman plus sombre, est l'un des rares dans la Comédie humaine à mettre en scène un procès, celui de Tasheron, l'amant de Véronique. Leurs deux histoires sont différentes, et le parallèle avec Argow s'arrête là ; mais Farrabeshe, l'ancien forçat repenti a quelques traits d'Argow.
J'ai apprécié à nouveau toute cette partie sur l'approche judiciaire : l'enquête, le rôle de la rumeur, la représentation du crime et de la justice humaine, mise en parallèle avec celle de Dieu.
La deuxième partie du livre présente le repentir de Véronique, guidée par l'abbé Bonnet, et prend une dimension politique qui se rapproche de celle du Médecin de campagne, tout en restant plus romanesque.
Au parcours de Benassis, fait échos celui de Gérard, polytechnicien et ingénieur, déçu par l'organisation de sa la formation et l'organisation sa profession.
Les théories politiques sont ici plus vivantes, car elles sont présentées sous forme d'échanges entre plusieurs personnages qui ont des points de vue différents : Véronique, l'abbé, le juge de paix, l'ingénieur et l'industriel.
Dans une discussion, ils abordent des sujets aussi variés que la justice, l'éducation, la montée de l'individualisme, l'organisation de la société et les inégalités qui en résultent, etc. Là encore, deux siècles de recul permettent au lecteur d'y porter un regard parfois amusé.
Le thème de la ville criminogène développé dans les deux romans, n'est pas une invention de Balzac, mais une réelle préoccupation des contemporains, dans les milieux politique et juridique, liée à l'expansion urbaine et aux évolutions économiques et sociales.

J'avais déjà lu Le curé de village lorsque j'étais adolescente, car l'action se déroulait à Limoges, où j'habitais alors. Le personnage de Véronique m'avait déjà beaucoup touchée, et si vous préfériez choisir un seul de ces deux romans, je vous recommanderais celui-ci. Une phrase de ce roman pour conclure cette longue présentation : "La pensée est constamment le point de départ et le point d'arrivée de toute société.

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