(Publié le 11
Septembre 2007)
Romain Gary, Les
enchanteurs.
Fosco Zaga, un écrivain
déjà âgé, raconte son adolescence en Russie, deux siècles plus tôt, vers 1770,
quand son père est guérisseur de la Grande Catherine. Il évoque sa
famille et son amour impossible pour Térésina, la très jeune épouse
de son père.
Comme toujours, j'ai
retrouvé avec beaucoup de plaisir Romain Gary, son univers, son style, sa
façon si particulière de décrire des personnalités sensibles, entre sourires,
passions et rêveries.
Dans ce roman, les
enchanteurs sont les artistes, les saltimbanques. Le père de Fosco est
astrologue, guérisseur, alchimiste, mais le maître mot de sa profession est
l'illusion. Il dit à son fils :
"Plaire, séduire, donner à croire, à espérer,
émouvoir sans troubler, élever les âmes et les esprits, en un mot, enchanter,
telle est la vocation de notre vieille tribu, mon petit... C'est pourquoi, tant
d'esprits chagrins qui ne discernent nulle part le moindre sens caché ni la
moindre étincelle d'espoir, nous traitent de charlatans..."
Ainsi, Romain Gary
décrit un univers baroque, théâtrale, et dresse des portraits
subtils, tendres ou cyniques, avec des référence constantes aux
personnages de la Commedia dell arte, à la culture russe et européenne.
Le lecteur croise Freud
(un passage que j'ai beaucoup aimé), Catherine de Russie, le père de l'écrivain
Pouchkine. On retrouve dans ce
roman des thèmes déjà abordés par Gary: l'adolescence (Fosco apprend à
rêver dans la forêt de Lavrovo avec ses amis les chênes...) l'amour ("si j'ai vécu si longtemps, c'est que j'ai
charge d'amour"), le rapport aux parents (ici, le personnage d'un
père), l'écriture et l'art. J'apprécie cette vision de l'art, prise dans un
sens très large qui englobe toutes les créations, les illusions, sans être dupe
de leur nature, en restant conscient de la réalité, de ses règles
contraignantes.
"Il va sans dire que cette volonté de créer à
moi tout seul un monde parfait ne pouvait me mener que sur le chemin de l'art"
La narration à la
première personne accentue l'illusion dans ce très agréable moment de
lecture, pour voyager dans l'imaginaire poétique de Romain Gary, entre rêve et
réalité, dans des décors de théâtre.
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