lundi 30 juin 2014

George Sand, Laura. Voyage dans le cristal...

(Publié le 2 Mai 2009)
George Sand, Voyage dans le cristal, Le Rocher, collection Motif, 2007, 236p.
Présentation de l'éditeur : extrait de la préface.
L'intérêt de Sand pour le fantastique est bien antérieur à la dernière décennie de sa vie. Il se manifeste dès 1839 par un "Essai sur le drame fantastique", important pour sa définition de l'univers fantastique: "Ni en dehors, ni au-dessus, ni en dessous, il est au fond de nous." Les trois contes présentés ici "Laura ou Voyage dans le cristal" (1865), "L'Orgue du Titan" (1876), "Le Géant Yéous" (1873) -, sont fantastiques au sens propre par le rôle ambigu assigné au supernaturel, déroutant pour la raison. Avant même d'en arriver à la conclusion que le surnaturel est dans l'homme, George Sand s'était montrée novatrice en refusant de croire que les hallucinations "sont uniquement l'ouvrage de la peur". Jusqu'ici, nul critique ne paraît s'être avisé que, précurseur de Jean Giono et du réalisme champêtre, de l'écologie, du féminisme, George Sand était aussi précurseur du récit fantastique moderne.

"Laura. Voyage dans le cristal"
Alexis travaille avec son oncle Tungsténius au conservatoire d'histoire naturelle de Fischausen. Il aime sa cousine Laura, promise à un autre, et décide de suivre Nasias, un curieux visiteur, dans une étrange expédition pour découvrir la porte d'un "souterrain enchanté"...
Dans cette nouvelle de plus de 130 pages, texte original et moins connu,  George Sand offre un voyage, à la frontière entre le rêve et le fantastique, où l'on peut saisir l'influence d'Hoffmann et de Jules Verne.
À la recherche de Laura, Alexis se perd dans un monde onirique qu'il croit apercevoir dans les pierres et les gemmes. Les descriptions des minéraux et des paysages sont magnifiques et d'une grande poésie. 
Par ses personnages, George Sand livre également des réflexions sur l'art, la science, et le raisonnement. 
L'oncle Tungsténius : "Le soleil de l'intelligence, mon enfant, c'est le raisonnement (...) L'homme ne vit pas seulement de pain, mon ami ; il ne vit au complet que par le développement de ses facultés d'examen et de compréhension".
L'oncle Nasias : "L'homme est bien un enfant, me dit-il. L'étude et l'examen de la nature ne lui suffisent pas. Il faut que l'imagination lui fournisse des légendes et des fictions puériles, tandis que le merveilleux pleut sur lui du ciel sans qu'aucun magicien s'en mêle."
Le goût de George Sand pour la nature n'en est pas moins absent.
Nasias "T’imagines-tu par hasard que j’aie fait tant de dépenses et affronté tant de périls pour enrichir pendant quelques jours cette sotte espèce humaine qui ne sait que dévaster et stériliser les plus riches sanctuaires de la nature ? Nous n’aurions pas seulement une poignée d’hommes ici durant un mois sans qu’ils fissent disparaître ces rares et curieuses espèces animales et détruisissent les belles essences des forêts, au lieu de les ménager. L’homme est un animal plus malfaisant que tous les autres".
Une image de l'artiste donnée par Alexis, lorsqu'il confie le manuscrit de son histoire.
"L'artiste est né voyageur ; tout est voyage pour son esprit, et, sans quitter le coin de son feu ou les ombrages de son jardin, il est autorisé à parcourir tous les chemins du monde. Donnez-lui n'importe quoi à lire ou à regarder, étude aride ou riante : il se passionnera pour tout ce qui lui sera nouveau. Il s'étonnera naïvement de n'avoir pas vécu dans ce sens-là, et il traduira le plaisir de sa découverte sous n'importe quelle forme, sans avoir cessé d'être lui-même. Pas plus que les autres humains, l'artiste ne choisit son genre de vie et la nature de ses impressions. Il reçoit du dehors le soleil et la pluie, l'ombre et la lumière, comme tout le monde. Ne lui demandez pas de créer en dehors de ce qui le frappe. Il subit l'action du milieu qu'il traverse, et c'est fort bien fait, car il s'éteindrait et deviendrait stérile le jour où cette action viendrait à cesser."

"L'Orgue du Titan" raconte l'errance d'un musicien et de son élève dans les montagnes, en pleine nuit. Ici, l'élément surnaturel relève moins du merveilleux et se rapproche d'une hallucination auditive. "Mais l'hallucination est contagieuse et celle du professeur me gagna d'autant mieux que j'avais peur de voir ce qu'il voyait." Puis George Sand réintroduit un aspect fantastique qui trouble le lecteur.

Dans
"Le géant Yéous," Miquel vit avec sa famille dans une clairière en montagne, quand un effondrement détruit sa maison et laisse son père estropié. Devenu jeune adulte, Miquel entreprend de déblayer la clairière, mais le géant de pierre complique ses projets en s'écroulant à nouveau.
Miquel pense s'opposer à une forme de fatalité et refuse d'y céder. Sans se laisser décourager par les obstacles ou la peur de phénomènes étranges, il s'acharne et fait preuve d'une grande détermination.
Mais est-ce une hallucination ou l'intervention du géant Yéous?  Là encore, George Sand reste à la frontière de la réalité et du fantastique, dans une confrontation décrite avec une grande subtilité.

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