Publié le 2 Mai 2009
George Sand, Voyage dans le cristal,
Le Rocher, collection Motif, 2007, 236p.
Présentation de l'éditeur : extrait de la
préface
L'intérêt de Sand pour le fantastique est
bien antérieur à la dernière décennie de sa vie. Il se manifeste dès 1839 par
un " Essai sur le drame fantastique ", important pour sa définition
de l'univers fantastique: " Ni en dehors, ni au-dessus, ni en dessous, il
est au fond de nous. " Les trois contes présentés ici " Laura ou
Voyage dans le cristal " (1865), " L'Orgue du Titan " (1876),
" Le Géant Yéous " (1873) -, sont fantastiques au sens propre par le
rôle ambigu assigné au supernaturel, déroutant pour la raison. Avant même d'en
arriver à la conclusion que le surnaturel est dans l'homme, George Sand s'était
montrée novatrice en refusant de croire que les hallucinations " sont
uniquement l'ouvrage de la peur ". Jusqu'ici, nul critique ne paraît s'être
avisé que, précurseur de Jean Giono et du réalisme champêtre, de l'écologie, du
féminisme, George Sand était aussi précurseur du récit fantastique moderne.
Laura. Voyage dans le cristal
Alexis travaille avec son oncle au
conservatoire d'histoire naturelle de Fischausen. Il aime sa cousine Laura,
promise à un autre, et décide de suivre Nasias, un curieux visiteur, dans
une étrange expédition pour découvrir la porte d'un souterrain enchanté...
Dans ce conte de plus de 130 pages, George
Sand nous offre un très curieux voyage, à la frontière entre le rêve et le
fantastique. A la recherche de Laura, Alexis se perd dans un monde
onirique, et George Sand explore l’inconscient, avant les théories de la
psychanalyse. J'ai lu que ce conte avait été publié la même année que le Voyage
au centre de la Terre de Jules Verne, ami de George Sand ; dans Laura,
la science-fiction est l'une des pistes suggérées pour expliquer les voyages
d'Alexis.
Par ses personnages, George Sand nous
livre également des réflexions sur l'art, la science et le raisonnement,
dont il serait même intéressant de détailler les influences.
L'oncle Tungsténius : "Le soleil de l'intelligence, mon enfant, c'est le raisonnement (...)
L'homme ne vit pas seulement de pain, mon ami; il ne vit au complet que par le
développement de ses facultés d'examen et de compréhension".
L'oncle Nasias : "L'homme est bien un enfant, me dit-il. L'étude et l'examen de la nature ne
lui suffisent pas. Il faut que l'imagination lui fournisse des légendes et des
fictions puériles, tandis que le merveilleux pleut sur lui du ciel sans
qu'aucun magicien s'en mêle."
Enfin, outre l'originalité de
ce texte dans l'oeuvre de George Sand, il faut en souligner la beauté ;
les descriptions des minéraux et des paysages qu’Alexis croit apercevoir dans
les pierres, sont absolument magnifiques et d'une grande poésie.
L'Orgue du Titan raconte
l'errance d'un musicien et de son élève dans les montagnes, en pleine nuit.
Ici, l'élément surnaturel relève moins du merveilleux et se rapproche d'une
hallucination auditive.'Mais l'hallucination
est contagieuse et celle du professeur me gagna d'autant mieux que j'avais peur
de voir ce qu'il voyait." Puis George
Sand réintroduit un aspect fantastique qui trouble le lecteur. Mais
je ne voudrais pas rompre le charme de ce conte en en dévoilant davantage.
Dans Le
géant Yéous, Miquel vit avec sa
famille dans une clairière en montagne quand un effondrement détruit sa maison
et laisse son père estropié. Devenu jeune adulte, Miquel entreprend de déblayer
la clairière, mais le géant de pierre complique ses projets en s'écroulant
à nouveau.
Miquel pense s'opposer à
une forme de fatalité et refuse d'y céder. Il personnifie le
responsable du désarroi de sa famille. Sans se laisser décourager par
les obstacles ou la peur de phénomènes étranges, il s'acharne et fait
preuve d'une grande détermination.
Mais est-ce une hallucination ou l'intervention du géant Yéous? Là
encore, George Sand reste à la frontière de la réalité et du fantastique, dans
une confrontation décrite avec une grande subtilité.
Je pourrais citer d'autres extraits,
mais je choisis celui-ci, une image de l'artiste donnée par Alexis dans Laura,
lorsqu'il confie le manuscrit de son histoire au narrateur.
"L'artiste est né voyageur; tout est
voyage pour son esprit, et sans quitter le coin de son feu ou les ombrages de
son jardin, il est autorisé à parcourir tous les chemins du monde. Donnez-lui
n'importe quoi à lire ou à regarder, étude aride ou riante; il se passionnera
pour tout ce qui lui sera nouveau. Il s'étonnera naïvement de n'avoir pas vécu
dans ce sens-là, et il traduira le plaisir de sa découverte sous n'importe
quelle forme, sans avoir cessé d'être lui-même. Pas plus que les autres
humains, l'artiste ne choisit son genre de vie et la nature de ses impressions.
Il reçoit du dehors le soleil et la pluie, l'ombre et la lumière, comme tout le
monde. Ne lui demandez pas de créer en dehors de ce qui le frappe. Il subit
l'action du milieu qu'il traverse, et c'est fort bien fait, car il s'éteindrait
et deviendrait stérile le jour où cette action viendrait à cesser."
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