(Publié le 15 Juillet
2009)
Théophile
Gautier, Mademoiselle de
Maupin, 1ère édition
1835, Folio, 440p.
Je ne détaillerai pas l'importance de ce roman, et plus particulièrement de sa
préface, dans l'histoire littéraire... un trop vaste sujet !
Sur la forme... c'est Théophile Gautier ! Ce roman se lit comme de la
poésie ; on le savoure, on prend le temps de se délecter de la beauté du
style, des descriptions, des images. A moins de ne jurer que par les
styles épurés, il est difficile de rester insensible au talent de Gautier pour
décrire un lieu ou une ambiance, restituer une émotion. Or, les
sentiments sont l'essence même de ce roman, à la construction originale,
puisque des scènes dialoguées sont intégrées à la forme épistolaire. Les points
de vue croisés des trois personnages révèlent au lecteur le jeu des apparences
et des non-dits.
Dans la première partie, Gautier livre les lettres de D'albert.
On découvre un jeune homme oisif, épris d'amour idéal et influencé par la représentation de la beauté dans l'art. Personnage égocentrique (et même exaspérant d'un point de vue féminin !), il découvre les jeux de séduction et a conscience de ses excès:
On découvre un jeune homme oisif, épris d'amour idéal et influencé par la représentation de la beauté dans l'art. Personnage égocentrique (et même exaspérant d'un point de vue féminin !), il découvre les jeux de séduction et a conscience de ses excès:
"Je m'écoute trop vivre et penser (...)
le bruit de l'action ferait envoler cet essaim de pensées oisives qui voltigent
dans ma tête et m'étourdissent du bourdonnement de leurs ailes; au lieu de
poursuivre des fantômes, je me colletterais avec des réalités; je ne
demanderais aux femmes que ce qu'elles peuvent donner: - du plaisir - et je ne
chercherais pas à embrasser je ne sais quelle fantastique idéalité parée
de nuageuses perfections". Et Rosette lui en fait le reproche: "Vous
vous êtes trompé vous-même. Vous avez pris un goût pour de l'amour, et du désir
pour de la passion, la chose arrive tous les jours." (N'est-ce pas... ?) Quand D'Albert rencontre Madeleine/Théodore, sa vision de l'amour est
bouleversée, car il trouve la perfection en "lui" qu'il
devine "Elle".
Madeleine, enfermée dans les convenances de son époque,
désire connaître la réalité qui lui est cachée. Sur les hommes, elle
écrit : "Leur existence réelle nous est aussi
parfaitement inconnue que s'ils étaient des habitants de Saturne ou de quelques
planètes à cent millions de lieues de notre boule sublunaire: on dirait qu'ils
sont d'une autre espèce, et il n'y a pas le moindre lien intellectuel entre les
deux sexes ; les vertus de l'un font les vices de l'autre, et ce qui nous fait
admirer l'homme nous fait honnir la femme."
Les réflexions sur l'éducation des femmes m'ont beaucoup intéressée. Madeleine est intelligente, curieuse, spirituelle. Elle a également une vision
idéale de l'amour, fusionnelle, dirions-nous aujourd'hui. Pourtant, à la
fois fascinée et déçue par son expérience, elle reste profondément
troublée: "En vérité, ni l'un ni l'autre de ces
deux sexes n'est le mien; je n'ai ni la soumission imbécile, ni la timidité, ni
la petitesse des femmes; je n'ai pas les vices des hommes, leur dégoûtante
crapule et leurs penchants brutaux : je suis d'un troisième sexe à part qui n'a
pas encore de nom; au-dessus ou au-dessous, plus défectueux ou supérieur; j'ai
le corps et l'âme d'une femme, l'esprit et la force d'un homme, et j'ai trop ou
pas assez de l'un et de l'autre pour me pouvoir accoupler avec l'un
d'eux."
Madeleine séduite par D'Albert et Rosette,
rompt le trio amoureux, et Gautier laisse l'évolution de ses personnages en
suspens.
Lyrique, romantique, l'histoire même de ce trio amoureux est toute symbolique.
Pourtant, j'ai été surprise en réalisant que le propos de
Gautier restait pertinent aujourd'hui. Les réflexions sur le désir,
l'amour, les codes et l'identité ne sont pas si désuètes ; la
quête d'idéal est largement entretenue par toutes les formes d'art et nous
influence toujours.
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