(Publié
le 12 Avril 2007)
Émile Gaboriau, Dossier 113, 1867, Editions du
Masque, 2003, 476p.
Le début...
Un vol est commis dans la banque Fauvel, rue de Provence à Paris :
350 000 francs sont dérobés dans le coffre. Or, deux personnes seulement
détenaient le code et la clé pour ouvrir ce coffre : André Fauvel, le banquier,
et Prosper Bertomy, l'employé. Les soupçons se portent naturellement sur
le caissier principal, qui est alors arrêté, mais l'inspecteur Fanferlot,
dit l'Ecureuil, décide de poursuivre l'enquête. Il fait appel à
Monsieur Lecoq, l'homme de la surêté, un policier à l'intelligence redoutable
qui use habilement de déguisements divers dans ses enquêtes. Sous l'apparence
de M. Verduret, il décide d'aider Bertomy à dévoiler ce mystère.
Dans ce roman, on retrouve les mêmes techniques du « roman
judiciaire » de Gaboriau : le policier intelligent, Lecoq, les
indices, l'enquête qui entraîne le lecteur dans le passé des protagonistes.
Le style a pourtant déjà évolué vers plus de sobriété et le rythme est
plus rapide (une contrainte peut-être due, en partie, à l'exigence du format
presse depuis le succès de L'affaire Lerouge). Mais Émile Gaboriau s'attache
toujours autant à donner au lecteur les détails qui lui permettent de suivre
l'enquête, de s'interroger, de formuler des hypothèses. Même si, aujourd'hui
(habitués que nous sommes à une multitude de rebondissements dans le genre
policier), le Dossier 113 peut paraître un peu linéaire pour certains, il
ménage toutefois quelques surprises.
Loin de la police scientifique, les indices matériels ne sont pas
négligés pour autant : une rayure sur le coffre et des traces de
peinture jouent un rôle important. L'intrigue se noue, là encore, dans les
drames familiaux. Or, l'auteur nous donne son explication par la voix de Lecoq
(p.419) : "On ne voit au grand
jour de la Gazette des Tribunaux que les mélodrames sanglants de la vie, et les
acteurs, d'immondes scélérats, sont lâches comme le couteau ou bêtes comme le
poison qu'ils emploient. C'est dans l'ombre des familles, souvent à l'abri du
code que s'agite le drame vrai, le drame poignant de notre époque ; les
traîtres y ont des gants, les coquins s'y drapent de considération, et les
victimes meurent désespérées, le sourire aux lèvres... "
Ainsi, aux crimes sensationnels qui défrayent la chronique à son époque
(crimes passionnels, vols suivis de violences impulsives ou encore, toutes les
atteintes à l'enfance...) Émile Gaboriau préfère ceux qui masquent une réalité
plus quotidienne et diffuse. Dans L'affaire Lerouge et Dossier 113, il choisit
des criminels sournois qui se jouent des lois pour servir leur ambition ou leur
avidité. Il faut bien reconnaître que de tels personnages offrent aux
romanciers de nombreuses pistes à explorer !
La Gazette des tribunaux n'est pas le journal qui tente le plus
d'accentuer le mélodrame (j'ai eu l'occasion d'étudier ce journal judiciaire
pour ma maîtrise sur l'avortement) ; mais en 1867, l'intérêt des lecteurs pour
les crimes sanglants se fait de plus en plus vif.
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