(Publié le 6 Novembre 2008)
Paul Guimard, Les choses de la vie, Denoël, 1967, éditions Folio,
1973, 150p.
Pierre est en retard à un rendez-vous. En voiture, il roule trop
vite, en réfléchissant à toutes ces petites choses qui traversent
l'esprit quand on est sur la route, des choses futiles, d'autres plus
graves. Puis, c'est l'accident, et Pierre comprend peu à peu l'importance
réelle de ces choses de la vie. "Je voudrais
avoir, comme les animaux, l'instinct de mes besoins, tout deviendrait évident
et facile, au lieu de balancer entre l'impatience des désirs superficiels et la
recherche confuses des besoins profonds."
La première partie du livre est consacrée à l'accident. Par les
pensées de Pierre, Paul Guimard nous montre l'absurdité de ces situations terribles
où tout bascule en quelques secondes, par un concours de circonstances,
parfaitement logique, mais qui place face à ce grand mystère du hasard.
Pierre voit arriver l'accident, il sait qu'il ne pourra pas l'éviter; il le
subit. Puis Paul Guimard laisse la première personne pour présenter les
quelques minutes du drame, dans un très bel exercice de narration.
L'auteur nous replonge ensuite dans l'inconscient de Pierre, qui
revoit l'accident, le revit, cherche à en analyser tous les détails.
"Je suis absolument dans mon droit mais je
suis piégé. Je vais exactement un peu trop vite, la camionnette est exactement
un peu trop de travers, le camion est exactement un peu trop prêt, la route est
exactement un peu trop étroite. Et merde! Il n'y a pas une probabilité sur un
million pour que tout tourne aussi mal, pas sur un milliard, et ça tombe
toujours sur un type qui n'a rien à se reprocher, qui roule trop vite,
d'accord, mais sans excès".
Et une question le hante, une question troublante car elle
l'oblige à cerner sa responsabilité, non seulement dans l'accident, mais dans
tous ses faits et gestes de la journée.
"Tout s'est joué en deux secondes, je voudrais
savoir lesquelles"
Dans une deuxième partie, Pierre réagit, comprend la gravité de
l'accident, le handicap probable. Il pense à son fils et s'adresse
directement à lui. Il réfléchit à nouveau, notamment aux changements
qu'il devra accepter, à ceux qu'il voudra imposer, car son regard sur le monde
est bouleversé. Et là, se mêlent sa vie et son accident, les choix,
les dénis, les illusions. "On ne fait que
projeter autour de soi son petit cinéma intime".
Enfin, Pierre accepte l'accident comme l'occasion d'une nouvelle
chance : l'homme qui sortira de l'hôpital ne sera plus lui, mais son
"jumeau à renaître" ; et celui-ci sera différent.
"Il sait désormais que chaque
seconde peut-être la dernière. Tout le monde le sait mais une fois pour
toute. Lui, au contraire, ne cesse de le savoir et là réside la différence. Il
tire de cette proposition une dynamique et une morale".
Et pourtant, dans ce discours de prise de conscience, malgré le
dégoût pour cet autre qu'il était, égoïste, insouciant, les questions sur le
hasard le hantent encore.
Ce roman pourrait être une succession de clichés sur la vie, une
morale "bien pensante", mais ce n'est absolument pas ainsi que
je l'ai perçu. J'y ai vu la douloureuse réflexion d'un homme qui
comprend sa part de responsabilité dans son existence. Pourtant, ses pensées,
parfois confuses, restent de vaines résolutions, et la fin du livre, l'histoire
de la lettre à Hélène, clôt le roman sur une note moins optimiste que
celle du film.
Voilà un livre impossible à poser avant de l'avoir terminé, un livre qu'on
referme en pensant aux "choses de la vie"... Je crois avoir lu
que Paul Guimard avait écrit ce roman après avoir été victime d' un
accident.
J'ai voulu lire ce roman, adapté par Claude Sautet dans un film qui
reste parmi mes préférés. Les personnes nées après la sortie du
livre ont sans doute, comme moi, d'abord connu l'histoire
grâce aux diffusions du film à la télévision. Claude Sautet
adopte un point de vue plus large que celui du roman. En respectant le fil
des pensées de Pierre, il enrichit son histoire de toute la
partie qui concerne la relation avec Hélène.
Merci beaucoup de ce magnifique résumé, il m'a permit de mieux comprendre le roman.
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire :) Mon avis reste subjectif, bien sûr. Ce roman aborde un sujet qui touche à des degrés différents, selon les expériences vécues. Chacun peut donc se l'approprier à sa façon.
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